Autorité de la chose jugée des jugements marocains en France
Les décisions marocaines prononçant la dissolution du lien conjugal ne produisent effet en France que si, notamment, elles sont passées en force de chose jugée et susceptibles d’exécution.
Deux personnes de nationalité marocaine se marient au Maroc. Par la suite, l’époux est condamné, en France, à payer à l’épouse une contribution aux charges du mariage. Quelques mois plus tard, l’époux demande à être déchargé de cette contribution, en produisant au juge français un jugement marocain de divorce. Sa demande est accueillie par les juges du fond, au motif que ce jugement marocain n’est pas contraire à l’ordre public international français.
Leur décision est cassée par l’arrêt de la première chambre civile du 13 avril 2016, faute pour les juges du fond d’avoir recherché si, au regard du droit marocain, le jugement de divorce était passé en force de chose jugée et était susceptible d’exécution et s’il pouvait donc produire effet en France.
Cette cassation était inévitable, compte tenu des termes des conventions liant la France et le Maroc, qui conduisent à appliquer, en cette matière, des principes spéciaux, qui diffèrent de ceux qui s’imposent en droit international privé commun. La Convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille énonce ainsi, par son article 13, que « les actes constatant la dissolution du lien conjugal homologués par un juge au Maroc entre conjoints de nationalité marocaine dans les formes prévues par leur loi nationale produisent effet en France dans les mêmes conditions que les jugements de divorce prononcés à l’étranger ».
La Convention franco-marocaine d’aide mutuelle judiciaire du 5 octobre 1957 fixe quant à elle, par son article 16, les conditions de reconnaissance des décisions marocaines. En matière civile et commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions siégeant en France ou au Maroc ont ainsi de plein droit l’autorité de la chose jugée sur le territoire de l’autre pays si elles réunissent les conditions suivantes : a) La décision émane d’une juridiction compétente selon les règles de droit international privé admises dans le pays où la décision est exécutée, sauf renonciation certaine de l’intéressé ; b) Les parties ont été légalement citées, représentées ou déclarées défaillantes ; c) La décision est, d’après la loi du pays où elle a été rendue, passée en force de chose jugée et susceptible d’exécution ; d) La décision ne contient rien de contraire à l’ordre public du pays où elle est invoquée ou aux principes de droit public applicables dans ce pays. Par ailleurs, la décision en cause ne doit pas non plus être contraire à une décision judiciaire prononcée dans ce pays et possédant à son égard l’autorité de la chose jugée.
En l’espèce, les juges du fond n’avaient manifestement pas eu assez d’égards pour cet article 16, qui prévoit pourtant expressément qu’une décision marocaine ne peut produire effet en France que dans la mesure où elle est passée en force de chose jugée et susceptible d’exécution.
Source de l’article : Conseil National des Barreaux